Le premier document écrit de l’histoire de Lille est la charte par laquelle le comte de Flandre Baudouin V (1035-1067), en 1066, dote le chapitre de la collégiale Saint-Pierre, consacrée en 1055, de revenus considérables. Le castrum, où avaient été bâtis la collégiale et le château de la Motte-Madame, défendait, depuis un temps impossible à déterminer, le portus établi à l’endroit où l’axe routier Gand-Champagne-Paris franchit la Deûle, rivière qui subit là une légère rupture de pente. De plus, quand Baudouin V octroie sa charte, Lille (dont le nom atteste une position insulaire [Isla] entre les bras de la Deûle) est déjà flanquée au sud d’un forum, ou faubourg marchand, qui, autour d’une seconde église, Saint-Étienne, sera le centre de la future ville. Et déjà, à quelque 200 m, le village de Fins possède, lui aussi, une église, Saint-Maurice, qui est englobée dans Lille au cours du XIIe s. Mieux, la charte de 1066 parle même d’un territorium islense, embryon de la future châtellenie de Lille.
Dès la fin du XIIe s., Lille est, avec Bruges, Gand, Ypres et Douai, l’un des cinq « membres » de la Flandre ; un siècle plus tard, la ville groupe 10 000 habitants et compte sept paroisses, une nouvelle paroisse (Saint-Sauveur) s’étant détachée de Saint-Maurice et les faubourgs de Saint-Pierre et de Weppes ayant été annexés dans la direction du nord et de l’ouest. La draperie de Lille est bien connue, en particulier dans la péninsule Ibérique et à Gênes ; sa prospérité profite à une caste de notables, bourgeois de Lille, dont les privilèges, comme ceux de la ville sont consignés à partir de 1297 dans un coutumier appelé vulgairement Livre Roisin.
Saccagée par Philippe II Auguste (1213), qui la punit de sa fidélité au comte Ferrand de Portugal, Lille connaît une grande prospérité sous les comtesses Jeanne de Constantinople (1206-1244) et Marguerite II de Constantinople (1244-1280). En 1235, Jeanne lui octroie une charte qui restera le fondement de la vie municipale jusqu’en 1789. À la tête de la cité, douze échevins (tous bourgeois), le premier ayant le titre de maïeur, et un rewart, qui est comme le procureur des bourgeois en tant que corps.
Prise et reprise par Philippe IV le Bel (1297-1304), Lille passe sous le gouvernement direct des rois de France (1304-1369), mais le mariage de Philippe II le Hardi avec Marguerite, fille de Louis II de Mâle, en fait l’une des capitales des ducs de Bourgogne (1383) et le siège d’une de leurs quatre chambres des comptes (jusqu’en 1473). Philippe III le Bon y tient le premier chapitre de la Toison d’or (1431) et y organise (1454) l’extraordinaire festin dit « du Vœu du faisan ».
Ville espagnole après la mort de Charles le Téméraire, Lille, vouée au culte de Notre-Dame de la Treille, est touchée par la Réforme : le calvinisme se propage surtout parmi les petites gens, mais les mesures draconiennes prises par les gouvernements des Pays-Bas ont tôt fait de détruire l’Eglise réformée lilloise.
De 1596 à 1633, la ville prospère sous le gouvernement des archiducs d’Autriche Albert (1559-1621) et Isabelle (1566-1633) : la perte des laines anglaises l’a conduite à se consacrer à la sayetterie et à la bourgeterie (laine sèche), qui fournit du travail à des milliers d’artisans, tandis que les négociants lillois profitent du vaste marché espagnol. En même temps, la Contre-Réforme s’exprime à Lille par l’installation de nombreuses communautés religieuses.
La ville s’agrandit vers le nord, annexant les faubourgs Notre-Dame (1603) et de Courtrai (1618). En 1667, elle est assiégée et prise par Louis XIV en personne, qui charge Vauban d’y construire la « reine des citadelles », Réunie à la France par le traité d’Aix-la-Chapelle (1668), elle s’accroît vers l’ouest, où s’édifie un quartier royal à la française. En 1708, Louis François Boufflers (1644-1711) soutient à Lille un siège héroïque et malheureux contre le Prince Eugène et Marlborough, mais le traité d’Utrecht (1713) restitue la ville – un moment néerlandaise – à Louis XIV.
Au XVIIIe s., Lille – siège de l’intendance de Flandre et d’Artois – est fortement marquée, sur le plan culturel et administratif, par l’influence française. La prospérité de son industrie est attestée par la fondation d’une chambre de commerce (1714) ; mais la fin de l’Ancien Régime y est caractérisée par un certain déclin, lié à la fin de son monopole économique et au développement – encouragé par des règlements libérateurs – de l’industrie textile du « plat-pays » (Roubaix, Tourcoing, Lannoy).
Du 26 septembre au 8 octobre 1792, 34 000 Autrichiens assiègent Lille, qui résiste au point de forcer le duc de Saxe-Teschen à se retirer, laissant une ville saccagée par les bombardements. En 1804, Lille est substituée à Douai comme chef-lieu du département du Nord.
Dès le début de la grande industrie (première moitié du XIXe s.), la ville redevient une importante place industrielle, notamment grâce à la filature moderne de coton, qui a pris son essor sous l’Empire et à laquelle s’ajoutent la filature du lin et la retorderie, les constructions mécaniques (usine de Fives, 1861) et les industries chimiques. En 1850, elle compte 75 000 habitants et 25 000 ouvriers. En 1858, elle annexe quatre communes industrielles (Wazemmes, Esquermes, Fives et Moulins-Lille), triplant d’un coup sa superficie et doublant sa population (que grossit l’afflux des Flamands belges), poussant peu à peu ses tentacules vers Roubaix et Tourcoing, et devenant le centre de la région économique la plus riche de France. Mais la paupérisation ouvrière, qui double l’essor économique, fait d’elle l’un des fiefs du socialisme guesdiste. En 1901, Lille compte 220 000 habitants, ce qui constitue le maximum absolu de son chiffre de population, car le développement des voies de communication (inauguration du Chemin de fer du Nord dès 1846) et le démantèlement de la ville (à partir de 1919) contribuent à dépeupler celle-ci au profit de sa banlieue.
Ce qu’elle a gagné en puissance économique, Lille l’a perdu en pittoresque, et bientôt le savoureux patois lillois, chanté par Alexandre Desrousseaux (1820-1892), auteur du P’tit Quinquin, ne sera plus qu’un souvenir, comme le folklore flamand. Ville universitaire (université d’État, facultés catholiques) depuis le dernier quart du XIXe s., centre d’un évêché depuis 1913, siège d’une foire internationale (1925), Lille est devenue grande capitale régionale. Les batailles qui s’y sont déroulées en octobre 1914 et en mai 1940 (préludes à deux dures occupations allemandes) restent dans la ligne de son passé militaire. Lille est la patrie d’Albert Samain, du général Faidherbe, d’Edouard Lalo, du général de Gaulle.
(Extrait du Larousse en ligne)